L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (dernière 1936)

« On s'était dépensé en vaines subtilités pour décider si la photographie était ou non un art, mais on ne s’était pas demandé d’abord si cette invention même ne transformait pas le caractère général de l’art […] »

En effet, depuis ces trente dernières années apparaît une nouvelle forme de la photographie. Cette dernière est alors utilisée pour ses qualités plastiques et ne résulte plus uniquement du travail du photographe ou du photoreporter. Grâce à l’innovation technologique, par le biais de la photographie numérique, des artistes comme Alain Bublex nous livrent un travail au caractère nouveau. Au travers de ces images émerge un univers de science-fiction. Le paysage urbain est appauvri de sa singularité pour devenir un espace privatisé sous l’égérie de grandes marques. Le travail de Bublex amène le spectateur à (se) questionner le monde capitaliste dans lequel nous vivons. La saturation de l’espace urbain procure un sentiment d’enfermement, d’étouffement qui amène aussi à s’interroger sur la déshumanisation provoquée par la reproductibilité. 

A. Bublex, Plan voisin de Paris - V2 circulaire secteur C11, 2004.

Comments

[AM.H]

La photographie contemporaine, cette pratique qui représente l’un des secteurs les plus créatifs dans l’art contemporain, peut-on encore appeler cela une "œuvre d’art" ?

En relisant notre article, il me vient à l’esprit le travail de ces deux français, Bruno Mouron et Pascal Roustain. Paparazzis de profession, c’est à la suite d’une étude d'un professeur de sociologie qui voyait dans l'analyse des poubelles un moyen d'appréhender la consommation et les comportements sociaux, que ces deux photographes vont se mettre à la collecte de poubelles. A commencer par celle de Gainsbourg dont les contenants sont minutieusement déballés sur un fond de velours noir, comme s’il s’agissait de photographier des bijoux. Succès médiatique en France, une dizaine d’autres poubelles vont être "disséquées" dans les années 1990, aux Etats-Unis. Images qui seront diffusées "élégamment" dans des magazines tels que Vanity Fair ou encore The Times. Ainsi, on apprendra que les enfants de Mel Gibson réussissent brillement leurs études, que Madonna, en bonne sportive, adore l’eau minérale française (vous croyez que c’est cela qui l’aide à maigrir ? Parce que sinon, moi j’essaie aussi ! Et à la poubelle ma carafe filtrante) et, que vois-je ! Sharon Stone aime aussi les Wherter’s Original ! Ma préférée ? La poubelle de Jack Nicholson où l'on perçoit l'amateur de belles choses, d'art et de bon goût : un peu de Veuve Cliquot, de Bordeaux, Oooh ! Encore une bouteille d’Evian (serait-ce donc "in" que de boire de cette eau ?), quelques revues d’art… Aaah ! en voilà un connaisseur !
Rattrapé par le monde des galeries et des musées, leur travail rencontre un grand succès aujourd’hui. Se considérant comme témoin de la société de consommation et rapprochant leur travail à celui de Jackson Pollock ou encore Jean-Michel Basquiat, cela me chatouille, me gratouille, aïe ! me démange un peu !!!

« La terre vue de la poubelle des stars »

Etude sociologique ? Flagrant délit sur nos consommations ? Peut-on encore parler d’œuvre d’art ? Ce travail sériel et formel ne ressemble-t-il pas davantage à du « paparazzisme » ? Est-ce que cette transition du refoulé à l’exposé peut-elle légitimer cette appellation de photographie d’art ?
Roland Barthes nous dira, dans un article de 1977 : « tantôt on sublime [la photographie] sous les espèces de la "photographie d’art" qui dénie précisément la photographie comme art ; tantôt on la virilise sous les espèces de la photo de reportage, qui tire son prestige de l’objet qu’elle a capturé ».

[ Photos à retrouver dans les albums ]